Big Apple 19
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L'Apollon de FlatIron
Au temps de mes rencontres avec le docteur Svihovic (voir les épisodes 7, 8, 9 et 10), je sortais de chez lui ou de sa clinique extrêmement excité et bandé à craquer. Souvent, je me précipitais chez moi à Brooklyn, tout de suite après nos rencontres, et je me masturbais pour relâcher mes tensions. Parfois, je me rendais dans l'un ou l'autre des bars que je fréquentais régulièrement tels Uncle Charly's Downtown situé sur Greenwich Avenue ou la taverne Julius au coin de Waverly et Tenth Street, tout près de la résidence du docteur. J'espérais chaque fois y rencontrer le fantasme qui me permettrait d'avoir l'impression que ma vie était aussi excitante que celle de mon beau docteur. Mais, la plupart du temps, après quelques bières, je me retrouvais tout seul, pour rentrer à Brooklyn la tête basse et molle tandis que ma queue était toujours haute, droite et dure. Une fin d'après-midi pluvieuse, sous le parapluie, j'ai décidé de faire une promenade et de remonter Broadway.
Après FlatIron Building (Édifice appelé ainsi à cause de sa forme en fer à repasser), il y avait toujours, de 15 heures à 21 heures, une sorte de marché de rue entre la 23è et la 36è Rue environ, du côté ouest. On y soldait des marchandises faussement griffées, des babioles de toutes sortes mais surtout, et pour ça on y faisait de bonnes affaires, des draps, des tissus et des vêtements de base tels des chaussettes, des slips, des pyjamas... Ces comptoirs étaient presque totalement tenus par des Noirs. Vers 21 heures, quand ils commençaient à ranger leur marchandise, ils allumaient parfois des braseros, pour la bouffe mais aussi pour se réchauffer, et ils y faisaient cuire leur collation du soir avant de rentrer chez eux. Certains se préparaient même à dormir sur place, enfoncés contre la grille d'une entrée de boutique déjà fermée depuis longtemps. Les caisses vides de marchandises s'empilaient sur le bord de la rue attendant les éboueurs de nuit et il devenait difficile de circuler dans ce coin de quartier avant que ces derniers ne vinssent tout ramasser, tellement la rue était encombrée.
Donc, vers 19 heures ce soir-là, j'atteignais FlatIron, et je me suis dit que ce serait agréable de me remplir les yeux des beaux corps de Noirs qui travaillaient à ce marché pour être en mesure ensuite de fantasmer avec une galerie-souvenirs.
À la hauteur de la 30è Rue, je vis un Noir qui était particulièrement mon genre : grand, mince, la taille très fine d'où jaillissait des fesses bombées qui semblaient dures, tendues, dodues et juteuses comme des mangues géantes. Sa tête avait la forme d'une fine poire inversée, avec une ossature évidente qui rendait la mâchoire saillante et lui conférait un air mâle et conquérant. Il avait des yeux noirs vifs enfoncés dans une chair blanchâtre aux reflets jaunes. Sa bouche était impressionnante. La lèvre supérieure formait une grand M dont la forme centrale en V était relevée pour former un tout petit V justement. Les pattes latérales du M s'étiraient en longueur pour élargir la bouche. La lèvre inférieure, de son côté, était étroite, gonflée et rabattue un peu sur le creux du menton. C'était une bouche à rêver qu'elle vous suce. On mouillait juste à penser que sa queue glisserait lentement entre le passage rétrécit de la lèvre supérieure et l'appui charnu, voluptueux, et qui semblait gras, de la lèvre inférieure. Et que dire de sa langue quand il ouvrait la bouche pour parler ou s'humecter les lèvres? Une vraie langue de jeune veau qui avait l'air juste assez râpeuse pour agacer divinement un frein délicat et enrober savamment un gland aventureux. Évidemment, je me disais que cette beauté n'était pas pour moi et j'imaginais les nuits torrides qu'il devait passer à baiser.
Toutefois, histoire de ne pas laisser passer Dieu sans lui dire bonjour, je me suis approché de lui, je devrais dire de son étalage, et j'ai commencé un véritable questionnaire sur les draps, leur qualité, leur résistance à toutes sortes d'activités, laissant paraître en souriant la nature véritable des activités auxquelles je souhaitais les soumettre. Il riait, sortant à l'occasion sa divine langue. Je m'enquérais de leur résistance aux taches, surtout celles qui étaient les plus compromettantes quand on recevait un nouveau partenaire. « A new partner », l'expression anglaise, neutre, lui laissait l'opportunité d'y étendre la personne qu'il aurait souhaité y voir. Et moi, je pouvais ainsi voir se glisser dans son esprit la petite bactérie corruptible du sexe qui finit par envahir tout l'être dès que cessent les activités de la journée et qu'on se retrouve face au silence de la nuit, à sa solitude, à rien. Elle surgit alors comme une infection, trouble le repos ou le sommeil et ne cesse sa progression que lorsque l'on consent enfin à la traiter avec diligence c'est -à-dire avec un partenaire que l'on baise, si d'aucun est disponible, ou par une bonne branle si on est tout seul. Après la jouissance, le système immunitaire de la quotidienneté et de la banalité rétablit l'équilibre et revient alors la santé de l'esprit, c'est-à-dire l'insignifiance de la vie. Car la vie ne nous demande rien d'autre que de copuler pour nous reproduire si possible. Cette exigence étant accomplie, elle ne cherche plus qu'à nous tuer (ce sont les maladies de la vieillesse) pour se débarrasser de nous afin de concentrer son attention sur nos enfants.
Plus beaux, plus jeunes et plus sexés que nous à qui l'âge fera perdre bien des charmes, la Vie va demander à nos enfants, si nous en avons, la même chose qu'à nous précédemment : baiser et se reproduire « ad saecula saeculorum » (pendant les siècles des siècles) selon la formule du Credo de Nicée.
Tout imprégné de nos allusions réciproques, j'ai acheté un drap en lui disant que je voulais l'éprouver avant d'en acheter un autre. Je m'assurai qu'il serait bien là le lendemain et je suis rentré tristement à Brooklyn terminer ce qui s'était préparé chez le docteur Svihovic et avait achevé de macérer dans mon sac de couilles après ma rencontre avec ce beau Noir c'est-à-dire une terrible bonne branle.
Le lendemain soir, j'étais de retour à FlatIron. Il était là, tout sourire comme s'il m'attendait. Je lui confirmai la bonne qualité de ses draps. Je lui ai dit que je les avais soumis à rude épreuve, en ne précisant pas la nature de l'épreuve, pour être bien sûr, encore une fois, que son imagination en mettrait plus que mes paroles. Il a ri de bon cœur. J'ai acheté d'autres draps puis, au hasard, prenant une initiative que je croyais perdue d'avance, je lui ai proposé de l'attendre jusqu'à la toute fin de son travail et de l'amener dîner où il voulait soit dans un resto de Chelsea tout près, soit chez moi à Brooklyn Heights. Il parut hésiter, jongler avec mes suggestions, essayer de lire ce que chacune recelait de risques, tenter d'analyser mes intentions et son envie d'y prendre part, puis, finalement il a conclu avec fermeté : « On va chez toi! Mais cela me pose un problème. J'habite dans le Bronx, près la station Freeman Street. Alors, compte tenu de l'heure tardive qu'il sera, je ne pourrai pas retourner chez moi cette nuit. Tu devras donc me trouver un coin dans ton appartement pour pieuter ou me payer le taxi», ajouta-t-il en riant, sachant fort bien que le montant de la course serait astronomique. Tu parles si j'étais d'accord! Dormir avec ce beau mâle abyssin chez moi! Wow! Quelle chance! Je m'en léchais déjà les lèvres sans lui avoir encore touché.
Je lui fis cuire un bifteck accompagné de pommes frites et lui servit aussi une salade. « Il y a longtemps, dit-il, que je n'ai pas mangé un aussi bon repas, complet et dans le cadre d'une maison normale.» Ainsi j'appris qu'il habitait en face des lignes du métro aérien à Bronx. Je me souvenais d'être passé par là en voiture un mois plus tôt en revenant de Fire Island. C'était un endroit cauchemardesque. La rue était complètement recouverte par l'horrible structure en acier du métro. Il ne restait qu'une sorte de claire- voix pour laisser passer la lumière du jour le long des trottoirs.
Sous la structure d'acier, il y avait partout des voitures abandonnées, rouillées, abîmées dans un sommeil éternel. Des caisses de bière et des bouteilles cassées jonchaient souvent la chaussée éclairée la nuit par la lueur fantomatique des lampadaires de New York, habillant tout le décor d'un jaune sale et suspect.
Il habitait seul une chambre sans commodités (les toilettes et la salle de bain étaient au bout du couloir et desservaient dix locataires. Et comme pour «faire au malheur bonne mesure», la fenêtre de sa chambre à l'étage donnait directement sur les rails du métro. Le métro newyorkais roulant fer sur fer, le grincement métallique des freins, le démarrage des rames, il habitait presque devant la station en plus, tout cela ajoutait aux charmes indiscrets du lieu.
Au fur et à mesure que je tentais d'amener la conversation sur sa vie sexuelle, il se faisait plus confident. C'est ainsi que j'appris qu'il avait décidé un jour de s'amuser en tirant profit de la situation exceptionnelle de sa fenêtre de chambre. Il me raconta que les rames de métro allaient très lentement quand elles passaient devant sa fenêtre puisqu'elles se préparaient à arrêter à la station Freeman Street. Et parfois aux heures de pointe, quand elles étaient une minute ou deux d'avance sur leur temps, il leur arrivait de s'immobiliser complètement devant sa fenêtre de chambre. Il voyait alors parfaitement les passagers qui se trouvaient à faire face à sa fenêtre. Il était simple d'imaginer que les passagers le voyaient aussi très nettement s'il y avait de la lumière dans la chambre et que les stores étaient levés. Un soir de congé, il se mit tout nu, n'eut aucune difficulté à bander_ abstinence d'une semaine oblige_ il s'appuya sur le cadre de la fenêtre et il se masturba lentement espérant l'arrivée d'un train qui serait en avance. Quelques rames passèrent leur chemin, mais assez lentement pour qu'il s'aperçoive que des passagers avaient remarqué son exercice uniquement à la surprise qui se lisait tout d'un coup sur leur visage fatigué et rapidement étonné avant de disparaître . Enfin, une rame ralentit de loin et vint s'immobiliser devant sa fenêtre. Son excitation était telle qu'il vit, comme dans un halo, des personnes, les yeux exorbités de surprise, incrédules et sans doute excitées. Elles le regardaient se branler dans le cadre de la fenêtre, tout nu, dans une pièce toute éclairée.
Cette première expérience fut très forte de sensations. Il jouit juste après le départ du train, la tête pleine des figures des passagers ahuris. Il répéta l'expérience plusieurs fois, mais il ne craignait plus de dévisager les passagers et de fixer son attention sur le passager qui lui plaisait davantage. Il giclait à chaque fois comme un geyser après le départ du train. Il me racontait tout cela en riant comme un collégien s'amusant de ses frasques.
La confidence de ses pratiques avec les passagers du métro me permit d'aborder de façon plus globale son orientation sexuelle et ses goûts particuliers en la matière. Quand je lui ai demandé s'il avait une petite amie, il m'a répondu tout sourire : « Ce n'est pas ma tasse de thé ». J'avais une partie de ma réponse. Je lui ai demandé alors carrément s'il préférait les hommes. Il me répondit affirmativement mais pour ajouter aussitôt qu'il était voyeur et exhibitionniste et que baiser au sens commun du terme, ce n'était pas ce qu'il cherchait. Il voulait voir et se montrer. Le métro lui donnait une occasion de se montrer mais laissait insatisfait son besoin de voir. « Que fais-tu alors de tes goûts de voyeur? » La question se plaçait toute seule. « Je vais dans les peep shows. Il y en a justement un très bon sur Chistopher Street au coin de Hudson Street. Dans le sous-sol, il y a de nombreuses cabines de visionnement et dans chacune d'elle, sur ta gauche et sur ta droite il y a un bouton qui active une cloison mobile. Tu regardes qui entrent, par exemple, dans les cabines 4 et 6 et tu choisis la 5. Si tu actives le bouton vert du côté de la cabine 4, l'occupant voit le bouton rouge clignoter du côté de ta cabine. S'il a envie de faire un show avec toi, il enfonce le bouton vert de sa cabine qui est de ton côté et la cloison entre sa cabine et la tienne se baisse. Une glace en plastique continue de séparer les deux cabines mais on peut se donner un vrai bon show. Quand tu en as assez, ou si le gars cesse de t'exciter, tu enfonces le bouton rouge et la cloison remonte. En somme, il faut l'accord des deux pour que la cloison se baisse et la décision d'un seul pour qu'elle remonte. C'est génial! Et puis, si tu as envie que le show soit à trois, tu enfonces le bouton de la cabine 6 et les trois, on se retrouve dans une cabine vitrée avec vue parfaite dans les deux autres » Il répéta à deux reprises : « C'est génial! C'est génial! » Il avait découvert l'Eldorado.
Je connaissais l'endroit dont il parlait Chistopher Street, mais je ne savais pas que ces cabines existaient au sous-sol. Il m'apprit qu'il fallait demander au caissier pour qu'il vous ouvre la porte. C'était une façon de contrôler l'entrée des mineurs. «Mais, ajouta-t-il, quand tu veux du sexe, tu n'as pas toujours envie de te retrouver dans une cabine et attendre que quelqu'un de plaisant arrive. Souvent dans ces cabines, il n'y a que des messieurs âgés et bedonnants. Il ne me reste plus qu'à spank the monkey (donner la fessée au singe, selon l'expression américaine pour se masturber).» Et il se mit à rire. Je n'allais pas laisser passer l'occasion. « Mais, ici et maintenant, dis-je, il y a peut-être tous les ingrédients réunis. Je suis également voyeur et exhibitionniste. On pourrait s'amuser un peu, non?» Son sourire devint encore plus marqué. Qu'il était beau! Surtout quand il souriait et sortait un peu langue.
« C'est une idée!» dit-il. Mais alors, on ne fera pas comme dans les cabines. On va attendre l'occasion, je veux dire le bon moment. Ce sera plus cochon, non?» J'étais bien d'accord avec lui mais qu'entendait-il par occasion et bon moment...Plus tard?... Au coucher?... Demain?...La semaine prochaine?...ou jamais finalement? Il sentit mon désarroi et mon interrogation. Il précisa alors : «Quand le bon moment arrive, on pose un premier geste et on sait tout de suite que le moment est venu.»
Il me demanda pour prendre un bain car il sentait mauvais m'avoua-t-il. Je m'en étais bien rendu compte mais ça m'excitait terriblement. Toutefois, c'est une chose de sentir le cul un peu sale d'un mâle à-travers ses vêtements, c'en est une autre de le sentir à quelques millimètres de son trou. Finalement, un peu tristement cependant, je lui indiquai la salle de bain et lui donnai des serviettes. « Pourquoi tu ne viens pas t'assoir dans la salle de bain et me tenir compagnie durant mon bain, dit-il. Je vais prendre une douche rapide et me couler ensuite dans la baignoire. Il y a si longtemps que je n'ai pas fait cela.» Que ce beau Noir avait de bonnes idées!
Je l'ai laissé prendre sa douche seul. Quand j'ai entendu le flip flop de l'eau dans la baignoire, vêtu seulement de mon slip blanc, je suis allé le retrouver dans la salle de bain. J'eus un choc esthétique. Ce super Noir presque bleu, mince et masculin, à l'allure abyssinienne, était debout dans la baignoire super bandé pointant vers moi un machin d'ébène de presque 9 cm, aux reflets mauves, large comme un poignet, décalotté car il était en train de repousser son prépuce, la langue sortie comme à son étalage quand il souriait de mes précisons sexuelles sur l'usage des draps. J'ai bandé immédiatement et férocement. Il me fit un compliment sur la rapidité de mon redressement pénien. Puis il s'allongea dans la baignoire, les jambes relevées, ce qui me permettait de voir son cul étant donné que je me retrouvais assis presque en face de lui. Il attrapa son pénis dans sa main et me dit tout bas, comme à l'oreille : «Joue cochon en enlevant ton sous-vêtement! ».
Je me suis caressé lentement. Puis, j'ai dégagé ma queue de mon slip sans le retirer. Je l'ai fait sortir sur le côté. J'ai ensuite attrapé la hampe de mon pénis de la main et j'ai entrepris une solide masturbation, d'autant plus cochonne que j'avais été invité à le faire et stimulé par la présence de ce bel Apollon noir bandé dans ma baignoire. Je vis lentement se dresser et sortir de l'eau une longue tige d'ébène, si luisante qu'on aurait dit de l'obsidienne ou du corail noir. Un superbe gland rose dominait ce minaret de chair et sa main qui remontait et descendait la tige, naturellement glissante, conférait à cet illustre totem un érotisme rare qui me menait presque à la jouissance. Il s'en aperçut et me dit en riant : « Hé, l'ami, ne viens pas trop vite! La soirée commence.» Puis, après une seconde ou deux, il ajouta : « Tu comprends pourquoi maintenant les gens du métro avaient l'air hors d'haleine en me regardant me branler appuyé à ma fenêtre». Et il éclata de rire avec sa voix basse et profonde qui emplissait la salle de bain d'une sonorité elle-même bandante.
Il sortit un bras de la baignoire, attrapa son slip, sans doute un peu crade, et le porta à sa figure. Il sentait son sexe et son cul dans son slip. Il se lovait devant moi, ce qu'il avait dit être son challenge. Me voyant un peu surpris qu'il ne profitât pas tout de suite de ce que j'avais à lui offrir, il tourna le regard dans ma direction, sourit malicieusement et ajouta : « You know, Man, I love my body and everything it gives to me to play with : my precum, my sperm, my sweat and even my piss. And sometimes, I don't even give up to a little brown mark. But, be patient, I also like you very much and I will take care of you too. (Tu sais, mon pote, j'adore mon corps et tout ce qu'il me donne pour m'amuser comme mon liquide pré-éjaculatoire, mon sperme, ma sueur et même ma pisse. Et parfois, je ne rejette pas une petite trace brune. Mais, sois patient, je t'aime aussi beaucoup et je vais bientôt m'occuper de toi.)» Et il poursuivit le `sniffage' de son slip sale, tout en se branlant avec passion. Le spectacle était toutefois extrêmement excitant. Ma queue dégoulinait de liquide et je me demandais si je pourrais tenir encore longtemps.
Au bout d'un moment, il laissa tomber son slip et prit le mien sur le plancher. Il recommença à sniffer. Il émettait des : « Mmmm! Mmmm! C'est bon! Ta poche et ton cul sentent merveilleusement bon! Je te vole ton slip avant de partir.» Cette annonce de cambriolage de mon intimité vestimentaire était un vrai compliment.
Quand il eut satisfait ses besoins olfactifs, il continua de se branler tout en me regardant et en se contemplant. Tout en appréciant ce qu'il voyait quand il regardait dans ma direction, c'est quand il s'examinait lui-même que son regard s'allumait le plus. C'était vraiment Narcisse au bord de l'eau.
Enfin, il me demanda si j'avais du lubrifiant. Il était juste à côté de lui dans la petite armoire qui jouxtait la baignoire. Il se leva de la baignoire très lentement, s'assécha tout en me commandant de poursuivre ma branlette, puis déposa une bonne quantité de lubrifiant dans sa main et, contre toute attente, il se graissa le cul et poussa sur le liquide gras le plus loin possible dans son trou avant de venir s'assoir sur ma queue et sur moi forcément. Il enfonça ma queue au fond de son cul et me commanda de ne pas bouger. «C'est moi qui me fourre moi-même sur ta queue» me dit-il. Il entreprit les mouvements de se relever et de s'assoir de nouveau sur moi à son rythme. Il sortait ma queue de son trou très lentement, mais plus lentement encore, il redescendait et la rentrait dans son cul faisant claquer, à chaque fois, ses fesses sur mes cuisses. Il me prenait aussi par le cou avec ses bras minces mais musclés, bien découpés, et portait ses magnifiques lèvres sur les miennes déposant ainsi sa langue sur la mienne comme il déposait ses fesses sur mes cuisses. Par les deux bouts nous étions réunis, mais il contrôlait tout : les mouvements, le rythme, la durée des baisers, les patins avec la langue, les caresses dans ma chevelure. Il passait souvent sa main sur sa tête et la mienne puis sentait ses doigts, respirant ainsi les odeurs mêlées de nos cheveux, les siens crépus, les miens assez longs et fous.
Avoir ainsi un `Mandingue' sur les genoux dont vous enfoncez le cul à chaque mouvement et dont la langue vous laboure la gueule, c'est plus qu'il en faut pour jouir. Quand il s'aperçut que j'étais au bord, il tira mes cheveux vers l'arrière avec une poigne de fer. Ma tête alla presque buter contre le mur derrière le réservoir de la chasse d'eau. Il me cracha à la figure et me gifla solidement, pas très fort pour que je perde l'équilibre, mais assez fort pour différer une éjaculation et il dit : « Sorry, baby, but you will not come before me. I had to do something to stop you. (Je te demande pardon, baby, mais tu ne dois pas jouir avant moi. Je devais faire quelque chose pour t'en empêcher).»
Et il poursuivit ses montées et ses descentes avec de profondes respirations tout en serrant de plus en plus fort mes cheveux. Il avait dans ses mains deux énormes poignées de mes cheveux, comme retenus dans d'horribles griffes, prêtes à les arracher au moindre faux mouvement. J'avais peur et je regrettais presque de l'avoir invité mais, en même temps, il m'excitait énormément. J'avais l'impression de faire l'amour avec Éros lui-même dont l'ultime moment de jouissance était Thanatos, la Mort. Je m'efforçais de ne pas penser à cela.
Enfin, après un bon dix minutes de mouvements, sans m'avertir qu'il était au bord, mais je le sentais par sa respiration, il se souleva un peu vers l'avant, enfonça sa langue jusqu'au fond de ma gorge, tira encore plus fortement sur mes cheveux et j'ai senti ruisseler des coulées de sperme sur ma poitrine. Il desserra son étreinte de mes cheveux, recula un peu, se dégagea de ma queue qui n'était pas belle à voir car, s'il avait pris un bain, il n'avait pas lavé l'intérieur de son cul. Il ria en voyant ma queue toute sale et me dit : « Je ne la lècherai pas parce qu'elle est trop dégueulasse comme ça, mais je vais te branler avec ma graisse de nègre. Tu vas voir comme c'est bon pour la masturbation.» Il attrapa ma queue `merdique' avec sa main droite et me branla avec passion, détermination, plaisir et reconnaissance aussi. Je suis venu assez vite, ne serait-ce que pour sortir au plus vite de cette pièce dont l'air était devenu irrespirable. Mais je dois avouer que ma jouissance fut très intense. Jamais je n'avais joué si cochon avec quelqu'un, surtout quelqu'un qui ne tenait compte de ma présence que dans la mesure où elle comblait la sienne propre. Mais c'était tout de même super. Il m'avait averti qu'il était amoureux de lui-même. Je ne pouvais pas le blâmer de sa franchise.
Quand je fus lavé et qu'il se fut bien nettoyé également, on revint s'assoir au salon. Il me demanda une bière et ajouta : « Tu sais, petit frère, ça m'a bien plu de jouer avec toi. Tu avais l'air de prendre ton pied à me regarder m'aimer, non?» Je fis un signe affirmatif en baissant la tête. « Alors je te propose de venir me voir jouer chez moi, dans le Bronx, après demain, car j'ai congé. Je n'ai encore jamais fait cela pour personne. Chaque fois que j'avais envie de quelqu'un, j'allais chez les autres. Chez moi, c'est juste pour moi et pour les passagers du métro, ajouta-t-il en riant très fort. Mais tu me plais bien, petit frère. Avec toi, j'ai envie d'une expérience cochonne spéciale, une sorte de branlette à deux, chez moi; ce qui m'est tout à fait nouveau. Faut aussi que je te dise que ça pue dans ma piaule. J'y fais rarement le ménage et j'ai des vêtements sales qui traînent partout. Mais tu vas voir, je vais bien m'amuser avec moi. Comme tu es voyeur et moi exhib, tu auras sûrement du plaisir à me regarder jouer. » L'invitation était charmante, sincère, certainement le fruit d'une véritable affection et d'une sincère reconnaissance, mais s'avérait pour le moins infiniment exceptionnelle. Forcément alors, je ne pouvais pas ne pas y aller. Il était trop beau et c'était trop bon.
«Mais de maintenant jusqu' après demain, je piaule ici, me dit-il. Je suis trop bien avec toi. Pour une fois que je peux avoir une douche, un lit chaud et de la vraie bouffe. Mais pour la branle, c'est dans mon univers que je suis le mieux.» On a dormi dans les bras l'un de l'autre, comme si la tendresse lui manquait autant que l'eau chaude et les steaks avec pommes frites.
Deux jours plus tard, on passa la matinée au lit, congé oblige, on déjeuna puis on décida d'aller faire des courses. Je lui ai acheté quelques fringues qui lui plaisaient West 8th Street et à West Broadway quelques gadgets pratiques pour un logement sans commodités. Il m'amena Christopher Street voir les cabines à cloisons mobiles. On s'amusa à choisir deux cabines contigües et à baisser la cloison. Il mit du temps à activer son bouton vert. Je me demandais même s'il n'allait pas me fausser compagnie. Cependant, quand la cloison se baissa enfin, il était tout nu et super bandé. Il avait pris position face à la vitre plastique, appuyait son long dos sur la cloison opposée toujours redressée et il se branlait en ne me portant aucune attention dans l'autre cabine. J'avais eu la bêtise de croire à une simple démonstration touristique et j'étais resté tout habillé attendant simplement de rire après vérification du mécanisme. Lui, il avait retrouvé une habitude, un passetemps, une fantaisie. Je me trouvais bien rigide bien que je me crusse ouvert d'esprit et sexuellement branché. J'avais beaucoup à apprendre de lui. Il mit un pied sur le tabouret de la cabine et entreprit de jouer avec ses couilles, de les caresser, et d'en respirer l'arôme sur ses doigts. J'ai commencé à vouloir le suivre, à déboutonner ma braguette, à me caresser, mais il ne me portait aucune attention. Finalement, alors que j'avais la queue sortie et bandée, il remonta la cloison d'un coup, me faisant un large sourire et m'indiquant de l'index que c'était le temps de sortir. Il avait terminé les caresses qu'il souhaitait se donner et surtout m'avait montré qu'il s'en donnait.
On reprit notre promenade. On s'arrêta pour souper sur Greenwich Avenue et on marcha ensuite jusqu'à la station de métro Sheridan Square pour prendre la ligne #2 vers le Bronx. On descendit à la fameuse station Freeman Street. Il me semblait que les passagers qui descendaient au même arrêt le regardaient étrangement comme s'ils eussent reconnu tout à coup le désormais célèbre branleur de Freeman Street. Mais j'hallucinais; ses histoires m'avaient fait tourner la tête.
La façade de l'édifice avait besoin de sérieuses réparations. La brique tenait par miracle et le soutien de la grâce divine n'allait pas durer longtemps ni lui permettre de résister aux assauts des saisons ni aux vibrations du métro pas plus qu'aux innombrables et étranges «péchés» qu'on devait commettre par milliers derrière ces murs. Dès le portique, une terrible odeur de friture et de moisi vous saisissait à la gorge. J'avais envie de rebrousser chemin. On était si bien chez moi. Qu'est-ce qui m'avait pris de venir ici. On retrouverait mon cadavre dans quelques jours ignorant complètement ce que j'étais venu y faire. Affaire de drogues, sans doute, lirait-on dans les journaux! Brrrrr! J'avais froid dans le dos et le froid était réel car les couloirs n'étaient pas chauffés.
Il habitait Third Floor (deuxième étage en français). Le numéro 32 dont la barre horizontale du 2 s'était décroché, ce qui faisait presque 37. Si le vestibule et l'escalier sentaient mauvais, laissant transpiré au milieu des nuées vaporeuses de moisi et de friture, des courants fétides de chiottes jamais lavées, la chambre de Ford (c'était le nom de mon beau Noir; sa mère l'avait nommé ainsi parce qu'il était né le jour où son père avait acheté une vieille Ford pour presque rien) rompait avec ces odeurs dégoutantes pour en livrer d'autres, toutes aussi puissantes, mais combien plus excitantes parce qu'elles charriaient plutôt des effluves de sperme séché, de chaussettes sales et puantes, de t-shirts souillés de transpiration de Noir, de slips et de boxers souillés d'urine et de traces de merde, ayant sans doute servis en plus de «cum rag» ( tissu pour recueillir la semence après une branlette). Cependant, je dois dire, tel qu'il me l'avait annoncé ou prédit, que dans ce décor olfactif, il trônait divinement bien. Pour pasticher le poème de Baudelaire, on pourrait dire de toutes ces odeurs :
«Tout cela descendait, montait comme une vague,
«Ou s'élançait en pétillant;
«On eût dit que la pièce enflée d'un souffle vague,
«Vivait en se multipliant»
Et lui, tel un prince des ténèbres, il régnait dans cet univers. Aux odeurs s'ajoutait la pénombre jaunie des lampadaires de New York qui inondait la chambre d'une demi- obscurité blafarde. La structure d'acier du métro faisait des ombres étranges et croisées sur les murs. On se serait cru dans une prison de Piranèse. On n'aurait pas été surpris, en ouvrant l'unique placard, de voir tomber le cadavre d'un supplicié. Un lit défait, couvert de draps usés, adossé au mur du fond, avait l'air du divan abandonné d'un sultan ayant fui ses assassins, surpris par l'annonce d'un coup d'État, mais on eût dit qu'il y avait déjà presque mille ans de cela.
Sur une table traînaient toutes sortes d'objets disparates, inclassables, servant tout autant à boire et à manger comme une cafetière et une boîte à pain, qu'à écrire, comme des stylos et du papier, ou à forniquer comme des godes, des tubes de lubrifiants, des condoms, des cordelettes, des bouteilles de poppers, pleines et vides, du papier hygiénique, de la pâte dentifrice et un petit bocal contenant une étrange substance liquide, blanchâtre et sombre qu'il me montra en riant comme le vase dans lequel il receuillait parfois ses décharges de sperme pour les laisser vieillir et imaginer, en les regardant à l'occasion, avec une certaine tristesse réelle, tous les beaux enfants qu'il aurait pu faire si, au lieu de mettre son foutre dans le bocal, il l'avait enfoui dans un vagin.
Après la minute nécessaire à la visite des lieux, il cessa complètement de s'occuper de moi. L'odeur de son intimité, pour ne pas dire de ses intimités, la luminosité blafarde où s'élaboraient ses fantasmes, le tapage des rames qui déchiraient l'atmosphère de la pièce, les soubresauts de l'édifice qui sautillait au passage des trains, la lumière des rames qui était projetée sur les murs comme découpée par un stroboscope, les miasmes des chiottes qui se glissaient sous la porte du 32 qui avait l'air d'un 37, tout cela le renvoyait à lui-même et éveillait ses désirs de cul. Je m'assieds sur l'unique chaise qu'il y avait près de la petite table.
Il se déplaçait dans cet espace comme un chat cherchant une issue et qui, n'en trouvant pas, décide de se lécher les pattes. Il s'appuya quelques minutes au chambranle de la fenêtre, là sans doute où il se plaçait pour se branler devant les passagers de la rame de métro temporairement immobilisée. Il revint vers la table, chercha quelque chose qui semblait ne pas être là, ramassa tout de même un gode, des lacets et une petite bouteille de poppers et se dirigea vers le tiroir de la table de chevet. Il en sortit une paire de verres fumés assez spéciaux et un bandeau.
Les verres fumés avaient ceci de particulier que la surface visible de l'extérieur était recouverte d'une sorte de miroir. On ne pouvait pas voir ses yeux du tout. C'est l'interlocuteur qui s'y mirait seulement. Ces verres le protégeaient donc complètement. À-travers eux, il pouvait me voir parfaitement bien mais je ne pouvais pas savoir s'il me regardait. Il fermait son regard à toute indiscrétion. On pouvait donc scruter son corps en détails, mais son âme restait inaccessible. Comme le fleuve Nil, on voyait ses mouvements, tantôt tranquilles, tantôt tumultueux, ses cataractes, ses accalmies, ses débordements, ses crus et ses recrus et je serais témoins tout à l'heure de son jaillissement dans le delta au moment de se perdre dans la mer (son orgasme) mais jamais je ne verrais sa source. Celle-ci se formait dans la forêt africaine où vivaient des bêtes dangereuses qui en protégeaient tout naturellement l'accès.
Son âme était restée quelque part en Guinée ou en Tanzanie, ou au Niger, là où vivaient jadis ses ancêtres avant la grande migration de l'esclavagisme. J'avais donc bien deviné quand j'avais cru que des dieux puissants actionnaient les forces de sa sexualité.
Il se dirigea ensuite vers son lit. Il se déshabilla complètement nu jetant ses vêtements pèle mêle sur le lit avant de s'y étendre en appuyant son dos contre la tête du lit. Il était donc à demi couché. Il entoura son front du bandeau rouge vif qu'il avait déniché dans le tiroir et ajusta ses curieuses lunettes. Je lui ai demandé alors s'il voulait que je me déshabille aussi. Il ne répondit pas et ne me porta aucune attention. Je n'existais plus maintenant sinon comme voyeur anonyme tel un passager du métro devant sa fenêtre. Il entrait dans son monde et me faisait l'immense privilège de pouvoir y jeter un coup d'œil indiscret. Je ne devais pas en demander davantage. Je me suis tu et je me suis juré de me taire jusqu'au bout, encore fallait-il savoir où et quand on atteindrait ce bout et même s'il y en aurait un.
Il amorça enfin sa grande performance. Il caressa chacune des parties de son corps et il n'en oublia aucune. Il passa d'abord ses doigts sur ses lèvres et parcourut ensuite son visage enfonçant le bout d'un doigt dans chaque crevasse et sur chaque môle. Il passa sa main dans son cou, sur son torse, sur ses cuisses et caressa aussi ses bras. Il se tourna sur le ventre et caressa ses épaules et ses fesses auxquelles il accorda beaucoup de temps. Puis, il se mit à quatre pattes sur le lit, le cul dans ma direction, écarta une fesse d'une main et de l'autre, avec le bout des doigts, il descendit et remonta la craque de son cul en le chatouillant afin de l'exciter comme une sorte de préparation pour une grande demande qu'il aurait eu à lui faire.
Il revint sur le dos, toujours appuyé contre la tête du lit. Il caressa son ventre avec douceur comme s'il authentifiait la qualité d'une soie. Il couvrit ensuite ses tétins de salive et commença à les pincer; d'abord doucement puis avec vigueur et force. Il serrait les lèvres sous la douleur. Il joua quelques instants avec son nombril, bleu comme un bouton de violette. Puis il gratta les poils crépus de son pubis avec les ongles des deux mains.
Pendant ce temps, sa queue avait pris des proportions énormes. Je l'avais vu grandir lentement au fur et à mesure que se déroulaient ses caresses. Il avait sûrement porté une grande attention à la faire se lever très lentement. Je ne savais d'ailleurs pas comment il pouvait exercer un tel contrôle. J'étais bandé depuis longtemps et le seul contrôle que j'arrivais à exercer portait sur mon éjaculation...et encore, pour combien de temps?
Quelques rames de métro étaient passées sans qu'il y ait porté la moindre attention, du moins en apparence car je ne voyais pas ses yeux. On entendit tout à coup le bruit d'une rame qui ralentissait. Il se leva d'un bond et courut à la fenêtre allumant sur son passage la grosse ampoule nue du plafond qui jeta subitement dans la pièce un éclairage de grande surface mais jaune et blafard. Il leva son bras gauche à la hauteur de son front et l'appuya sur le côté de la fenêtre à laquelle il faisait face. La rame ralentit encore. Il empoigna sa grosse queue dans sa main droite et se masturba, tout à fait en contrôle tandis que le train s'immobilisait. Non seulement les passagers le voyaient-ils pleinement, mais ils me voyaient aussi, assis contre la petite table, les sous-vêtements sur les chevilles, la queue dans la main, la tête tournée vers lui et, par conséquent vers eux, me branlant à l'unisson avec mon copain de l'Afrique lointaine. On se serait cru, le côté sexuel très explicite en plus, devant un vrai tableau d'Edward Hopper qui aurait pu s'intituler : «What were you doing in the Bronx yesterday night, Mister Alex? (Que faisiez-vous dans le Bronx, hier soir, Monsieur Alex?)» Je voyais clairement la figure surprise d'abord de quelques passagers puis, à mesure que la vérité s'imposait, elle se contractait, se choquait, se mobilisait ensuite, soit pour le combat devant une telle indécence, soit pour la contemplation devant une telle merveille. Ford demeurait impavide. Il poursuivait sa branlette en dévisageant chacun, surtout ceux qui lui plaisaient.
Quand le train se remit en route, il resta à son poste comme un chef de gare. Il ne se tourna vers moi que lorsque le bruit se fut éloigné. Il éteignit l'affreuse lumière et alla reprendre sa place sur le lit. Il crut bon cependant de me dire un mot, sur le chemin de son lit, pour préciser ses intentions. «D'habitude, je jouis après le départ du train, mais ce soir c'est un hors d'œuvre, pas le plat principal.»
Il profita de ce dérangement pour aller prendre une sorte de gode électrique dans le placard. Il déposa sur le lit une bonne quantité de linge sale; chaussettes puantes, slips et boxers souillés, t-shirts jaunis sous les bras et se lova dans le nid qu'il forma avec tous ses fétiches. Il se roula dans tous ces vêtements, la face enfoncée dans ses dessous de corps dont l'odeur indiquait le besoin d'une urgente lessive. Il roulait de tous côtés comme s'il s'était agi d'une femme. Il se faisait l'amour comme un chat qui ronronne en reconnaissant l'odeur d'une vieille pantoufle. Il était gris de satisfaction. Tout disparaissait de la laideur qui l'entourait : chambre sordide, bruit intolérable du métro, puanteur du quartier et de l'édifice, absence de lieux d'hygiène, tout lui devenait indifférent quand il s'adonnait à jouir de son merveilleux corps. Il avait un trésor que personne ne pouvait lui dérober et c'était lui-même. Je ne savais pas quand il s'était aperçu qu'il possédait une telle richesse mais je voyais qu'il avait bien appris à explorer sa mine d'or.
Tout de lui était l'occasion de susciter l'érotisme. Tout ce qu'il touchait devenait presque fétiche. Il se tourna sur le dos, releva les jambes, enfonça le curieux gode muni d'un fil électrique dans son cul et actionna une manette. Le bruit du gode-vibrateur, mais aussi les torsions incroyables provoquées par son plaisir, étaient la preuve qu'il s'amusait intensément.
Il retira le gode, le porta sous son nez, prit de grandes respirations, le lécha et recommença la manœuvre d'exploration minière à plusieurs reprises. Il criait et suait de plus en plus. Je tremblais de partout sachant fort bien que ce spectacle allait bientôt me faire passer la frontière du non-retour. Soudain, il se mit à genoux sur le lit, face à moi, repoussa le torse légèrement vers l'arrière. Puis, dans un cri presque primal, son jus gicla à quelques mètres devant lui de huit jets successifs. Inutile de dire que mon propre jet vint rejoindre le sien sans délai.
Il reprit son souffle, se leva et vint ramasser avec ses doigts les coulées de foutre qui gisaient sur le plancher. Il en bouffa quelques unes et vint en déposer d'autres dans le fameux bocal sur la table. Passant près de moi, il me dit : « J'ai peut-être bouffé un peu du tien; il me semble que certaines gouttes étaient moins sucrées que d'habitude.» Et il éclata d'un rire profond et ténébreux, mais combien franc et sincère. J'ai ri avec lui. «Maintenant, dit-il en retirant ses verres miroir, tu peux regarder mes yeux! Ford n'a plus besoin de protéger son univers.»
J'avais donc bien compris et bien interprété ce qu'il avait fait. Je lui fis part que j'avais justement voulu respecté tout cela et que j'étais ultra reconnaissant qu'il m'ait permis de visiter son univers. «Tu vois, petit frère Blanc, c'est parce que je savais que tu comprendrais que je t'ai invité. Personne d'autre n'est jamais venu ici. C'est mon antre secret, là où tous mes rêves passés et futurs se rassemblent pour me faire traverser, comme ce soir, la barrière qui me sépare des autres. Quand j'ai joui comme ce soir, je redeviens une personne normale et j'ai envie de communiquer. Quand je sens que tout le monde me pèse, c'est qu'il est temps de retrouver ma source profonde.» Il insista sur l'expression source profonde. J'ai tout de suite repensé au Nil. Puis, tout sourire, avec la langue un peu sortie comme j'aimais tant, il m'annonça : «Mais on ne va pas moisir ici! On finirait par puer comme les murs. C'est bien mieux chez toi.»
On reprit le métro à Freeman Street Station. J'avais une peur bleue d'être reconnu, même si j'étais maintenant habillé. Il s'en aperçut et ria très fort, faisant se retourner vers nous, comble de l'horreur pour moi, les passagers attendant sur le quai. On reprit la ligne #2 jusqu'à Clark Street Station à Brooklyn, chez moi, que dis-je, chez nous.
À suivre...Big Apple 20 Prochain et dernier épisode : Les lèvres d'Akhenaton
ALEXANDRE
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